Invité à l’occasion de la rencontre RCSC-Anderlecht, le « Zèbre du Siècle » Georget BERTONCELLO revient sur sa carrière au Sporting.
Quelle serait votre équipe-type du Sporting, toutes générations confondues ?
« Au goal, Daniel MATHY évidemment. En défense, HUTTMACHER, il était impassable, Jean Pol SPAUTE, notre capitaine, SPRONCK, l’ancien capitaine du Standard et André BRICMONT. Au milieu, le trop gentil René DELCHAMBRE qui ressemblait à Sim et qui a joué à l’Union Namur aussi. Il y avait André COLASSE que tout le monde connaît, Jean-Claude FIEVET, le patron de l’ancienne buvette (l’actuelle salle des joueurs). Devant, on avait Alfonso MION, un terrible puncheur qui a joué deux ans à l’Atalanta Bergame. Sans oublier mon attaquant préféré, Charly JACOBS. Lui, il ne pensait qu’à marquer ! Quand on hésitait pour shooter un penalty, il s’amenait : c’était BOUM et on n’en parlait plus. »
Certains clubs ont dû vous courtiser. Lesquels et pourquoi ne pas y être allé ?
« Quand Alfonso MION est revenu à Charleroi, on a organisé un match amical avec l’Atalanta Bergame. On avait gagné 2-1, j’avais 17 ans et j’avais marqué les deux buts. Les Italiens sont venus chez moi au magasin. Alors ma maman s’est mise à pleurer parce que son gamin allait partir. »
Pas de regrets ?
« Oh non ! Quand j’ai vu ma mère pleurer, pour moi c’était fini. J’aurais eu plus de regrets en faisant du chagrin à ma maman. Chez nous c’est comme ça, c’est la famille qui compte. Tu touches à quelqu’un de la famille, faut plus nous parler. C’est ça les Italiens ! »
Et au niveau ambiance ? Ne regrettez-vous pas l’époque où joueurs et supporters se retrouvaient ensemble à la buvette après le match ?
« En 1969, on jouait le Standard au Mambourg : les deux premiers du classement. Il y avait des rangées de chaises tout autour du terrain. Il y avait des gens au-dessus de la tribune. Il y en avait dans les arbres comme des pierrots : ils étaient montés avec des échelles. On avait gagné. J’avais marqué le deuxième but et Claude BISSOT – qu’il faut rajouter dans mon équipe-type – avait mis le premier. J’ai dû shooter un corner au milieu des supporters assis sur les chaises. Charleroi et Standard, tout mélangé. Je recule jusqu’au piquet de corner. Et là, les supporters liégeois me retiennent et me font asseoir sur leurs genoux et me disent en riant « vas-y marquer, maintenant ». Tu fais ça maintenant, tu te prends un coup de couteau. Alors, oui je regrette cette ambiance. Après le match, on se retrouvait à la buvette avec les CLAESSEN, les SEMMELING, les Carolos et les Liégeois. On buvait un coup tous ensemble et pourtant on travaillait le lendemain, nous ! »
Au niveau personnalité et comportement, on peut vous comparer à Roger Claessen, l’attaquant mythique des « Rouches » ?
Les yeux de Georget brillent un peu plus fort, pendant que Roger Claessen se fraie un passage au milieu des vice-champions de Belgique. Et Georget nous raconte un déplacement pour le challenge Kentish, la compétition internationale militaire.
« Exactement ! Nous avons fait notre service militaire ensemble, Roger et moi. C’était un mec terrible. On va faire un match en Grèce, avec Roger et Maurice JAMIN, un gardien de but qui jouait au Sporting puis à Anderlecht. Comme leur fenêtre était plus basse que la mienne, ils avaient su faire le muret. Ils étaient rentrés saouls comme la Pologne. Et dès le retour au pays, le colonel, le grand chef du football dans l’armée belge, les attendait et les a fait mettre directement au cachot. Mais Roger PETIT, le patron du Standard est intervenu et Roger CLAESSEN a pu sortir pour jouer un match avec les Rouches. Maurice Jamin, le Zèbre, est resté au trou. »
Quel était votre salaire à l’époque ?
« Le football nous rapportait entre dix et quinze mille francs par mois, mais c’était tout juste. Alors, je travaillais dans le jardinage pour la Ville. »
Votre meilleur souvenir on le connaît, c’est le titre de vice-champion. Mais, le pire ?
« Vraiment, le pire, c’est le tendon d’Achille sectionné par Louis PILOT, le Luxembourgeois du Standard. Quelle douleur ! Je suis sorti du terrain. Le soigneur m’a mis une bande. Je lui ai dit « ça va aller » et quand je me suis mis debout, je suis retombé aussitôt. J’ai été opéré tout de suite par le docteur Michaux : six mois sans mettre le pied par terre. J’ai grossi de 23 kilos, mais je n’ai gardé aucune séquelle et j’ai retrouvé mon niveau. J’avais 32 ans, mais je voulais jouer au football. Malgré tout, je n’étais pas un comédien. »
Avez-vous un regret dans votre carrière ?
« Oui. Quand on voit ce que les jeunes gagnent maintenant, si j’avais encore 20 ans, tout Chatelineau serait à moi… »